Alexandre Jagot, Chef de Service Etudes Economiques à l’UIMM, décrypte chaque mois la conjoncture économique française. Une expertise rare & précieuse, mise à disposition du réseau des UIMM Territoriales pour mieux comprendre l’environnement dans lequel évolue l’industrie française.
La croissance économique relevée au quatrième trimestre apparaît comme un bon résultat (+ 0,7 %), après le boom intervenu à l’été (+ 3,1 %). Elle s’est accompagnée d’une poursuite de la baisse du nombre de demandeurs d’emploi, tombé à son plus bas niveau depuis 2012.
Meilleure performance qu’ailleurs en Europe
Selon la première estimation délivrée par l’Insee fin janvier, le volume du PIB français s’est raffermi de 0,7 % au dernier trimestre 2021, soit 0,2 point de mieux que le chiffre envisagé par l’institut dans sa note de conjoncture parue en décembre dernier. Il se situe désormais à un niveau supérieur de 0,9 % à celui d’avant la crise sanitaire, alors qu’il lui est identique dans la zone euro ; en effet, l’économie allemande affiche encore un retard de 1,5 % en ligne avec un rebond de l’épidémie plus marqué qu’ailleurs à partir de début novembre et un poids relatif de l’industrie- confrontée à difficultés inédites d’approvisionnement- plus élevé. L’Italie et l’Espagne n’ont, elles aussi, pas encore retrouvé leur niveau de richesse de la fin 2019.
Le plan de relance adopté en France est pourtant jugé d’une ampleur comparable à ceux adoptés chez ses voisins (Italie excepté), selon le dernier pointage réalisé par France stratégie fin octobre 2021. Au total, le déficit des administrations publiques a probablement représenté l’équivalent de 7,5 % du PIB dans notre pays l’an passé, après plus de 9 % en 2020 ; la dette s’est ainsi élevée à proximité de 113 %, en regard de 98 % entre 2016 et 2019.
La flambée des contaminations au Covid-19 ne semble pas trop lourdement affecter l’économie française en ce début 2022, même si l’indice des directeurs d’achat calculé par l’institut Markit auprès des secteurs des services a reculé de 4 points en janvier. Dans l’industrie, l’activité aurait légèrement augmenté ce même mois et les difficultés d’approvisionnement − toujours anormalement prégnantes- s’atténuent quelque peu.
Vigueur de l’investissement productif
La stagnation des investissements des entreprises à l’été 2021 laissait craindre l’amorce d’un essoufflement. Il n’en est rien, puisque ceux-ci se sont accrus de 0,8 % en fin d’exercice et de plus de 12 % en moyenne annuelle (après – 8 % en 2020). Si les dépenses en biens manufacturés ont marqué le pas au second semestre, celles en services ont poursuivi leur ascension, stimulées par celles dédiées à l’informatique (logiciels notamment). Ces mouvements invitent à l’optimisme, alors que les entreprises sont soumises à une vive accélération des coûts de production, conséquence d’une envolée des cours de nombreuses matières premières. De leur côté, les investissements réalisés par les ménages (achats de logements neufs + gros travaux) ont également nettement rebondi l’an passé (quasiment + 16 %), et, le marché de l’ancien a culminé à 1,2 million de transactions en juillet pour se maintenir à ce seuil historique depuis lors.
La croissance économique est également tirée par la constitution de stocks, notamment dans les matériels de transport. Volatile au trimestre le trimestre, cette variable, n’a en revanche quasiment pas eu d’effet sur la variation du PIB lorsqu’elle est mesurée en moyenne annuelle, tout comme en 2020.
Piètre résultat pour le commerce extérieur
Les exportations françaises se montrent à présent plus dynamiques, en particulier celles dédiées au transport et au tourisme international. Pour autant, telles qu’estimées par les comptables nationaux, elles demeurent encore en retrait de 3,6 % par rapport à leur niveau de la fin 2019 lorsqu’elles sont exprimées en volume, contre un écart de 1,2 % pour les importations. En dépit d’un franc excédent de la balance des services en 2021 après 7 exercices consécutifs en territoire négatif (hors tourisme), le solde total des échanges extérieurs s’est de nouveau dégradé, atteignant pour la première fois un déficit de 50 milliards d’euros. Il faut dire que le déficit mesuré pour les produits industriels s’est à nouveau franchement aggravé, ressortant à 94 milliards d’euros : le poste de l’énergie a expliqué 43 % du mouvement et celui des biens d’équipement 31 %.
La consommation dictée par les conditions sanitaires
Pénalisée par les conditions sanitaires au premier semestre 2021, la consommation des ménages a bondi durant l’été en ligne avec l’assouplissement appliqué à partir de juin, notamment les achats dédiés à l’hôtellerie-restauration (+ 60 %). Ces derniers sont restés stables lors des 3 derniers mois de l’année (tout comme ceux en biens manufacturés) mais la demande dans les secteurs du commerce, des transports et de l’information-communication a de nouveau progressé de sorte que, au total, la consommation de biens et services a grimpé de 0,4 %. Le taux d’épargne se modère mais demeure encore supérieur de 2 points à sa norme passée, s’inscrivant à plus de 17 % des revenus nets des Français ; les seuls flux de placements financiers ont de nouveau dépassé 40 milliards d’euros au troisième trimestre selon la Banque de France, contre une moyenne de 26 milliards par trimestre en 2018-2019.
Vitalité de l’emploi
Le redressement de l’emploi apparaît particulièrement spectaculaire. Plus de 100 000 créations nettes de postes hors intérim sont intervenues entre la fin des troisième et quatrième trimestre 2021 dans le secteur privé, soit quasiment 650 000 en l’espace d’un an. L’industrie participe au mouvement d’ensemble même si les pertes enregistrées en 2020 sont loin d’être compensées. Dans ce contexte, le nombre de chômeurs comptabilisés par Pôle emploi continue de diminuer, s’inscrivant à moins de 3,1 millions au mois de décembre en France métropolitaine (catégorie A) ; il s’agit du meilleur résultat depuis la fin de l’été 2012. Le taux de chômage, qui présente l’avantage de tenir compte de l’évolution de la population active, est inférieur à 8 %, ratio équivalent à celui observé préalablement à la pandémie ; pour mémoire, il avait dépassé 10 % en 2015.
Chiffres clés
- + 7 % : variation du PIB français en moyenne annuelle 2021
- + 17,4 % : variation sur un an des prix des consommations intermédiaires au T4 2021 dans l’industrie
- 33,6 % : taux de marge des sociétés non financières au T3 2021
- 23,6 milliards d’€ : solde des échanges extérieurs de services en 2021
- – 41,9 milliards d’€ : solde des échanges extérieurs de biens d’équipement en 2021
- 17,1 % : taux d’épargne des ménages au T3 2021
- – 202 000 : variation du nombre de chômeurs de catégorie A entre fin 2019 et fin 2021
- 109 000 : salariés placés en activité partielle en décembre 2021 (ETP, tous secteurs)