Alexandre Jagot, Chef de Service Etudes Economiques à l’UIMM, décrypte chaque mois la conjoncture économique française. Une expertise rare & précieuse, mise à disposition du réseau des UIMM Territoriales pour mieux comprendre l’environnement dans lequel évolue l’industrie française.
Les craintes de récession à l’échelle mondiale sont désormais partagées par nombre d’économistes, y compris par la directrice générale du FMI, qui admettait il y a peu que les risques d’un tel scénario pour l’an prochain se sont accrus. Le choc inflationniste pousse, il est vrai, les autorités monétaires à agir, au premier rang desquelles la Réserve fédérale américaine, qui a opéré un troisième relèvement de ses taux directeurs en juin, les ramenant dans une fourchette comprise entre 1,5 et 1,75 %. Dans ce contexte, les cours des matières premières se sont contractés de l’ordre de 20 % entre le pic de début mars et mi-juillet 2022. Les seuls cours des métaux ont plongé de 33 % sur la période, alors même que l’activité est repartie en Chine au mois de juin après de nombreuses semaines de confinement (notamment à Shanghai).
En France, le volume de la production industrielle n’a guère varié au mois de mai dernier, se situant à un niveau exactement équivalent à celui de septembre 2020. L’écart par rapport à fin 2019 ressort à – 5 %, lié pour beaucoup à celui constaté dans les matériels de transport, secteurs qui avaient le plus souffert dès l’apparition de la pandémie. Si les exportations de biens industriels plafonnent à un niveau élevé, les importations ont atteint un nouveau record absolu, de sorte que le déficit extérieur hors énergie frise la barre des 100 milliards d’euros en rythme annuel. La forte dépréciation de l’euro contre le billet vert renforce la compétitivité des entreprises exportatrices commercialisant en dollars mais vient alourdir une facture énergétique déjà largement gonflée. Par ailleurs, pour le troisième mois consécutif en juin, l’opinion des chefs d’entreprise interrogés par la Banque de France sur leur trésorerie a reflué, se situant à présent très en dessous de sa valeur historique. Au rayon des bonnes nouvelles, il faut souligner que la proportion d’industriels éprouvant des difficultés d’approvisionnement décroit légèrement, tout en restant élevée (59 %).
Sidérurgie
La production d’acier est stabilisée autour de 1,1 million de tonnes par mois depuis l’automne 2021, soit un peu moins que les 1,2 million enregistré entre 2015 et 2019. Par ailleurs, les prix du minerai de fer à l’importation dans l’Union européenne se sont redressés à partir de février 2022, restant toutefois en retrait de 24 % par rapport au sommet touché à peine un an auparavant. De leur côté, à 575 dollars par tonne, ceux du coke ont atteint un plus haut historique au mois d’avril (environ 70 % de l’acier fabriqué dans l’Hexagone provient de la filière fonte, selon A3M).
Biens d’équipement
En dépit d’un reflux au mois d’avril, les facturations enregistrées dans le secteur de la mécanique lors des quatre premiers mois de 2022 étaient supérieures de plus de 8 % à leur niveau des quatre premiers mois de 2021 ; elles se sont montrées un peu plus dynamiques sur le marché intérieur (+ 9 %) qu’à l’exportation (+ 7,5 %). Comme dans d’autres industries, l’envolée des prix des intrants est incomplètement répercutée sur les prix en sortie d’usine, même si ces derniers accélèrent graduellement depuis la mi-2021. En moyenne annuelle 2022, prévoit la FIM, les investissements réalisées par les entreprises du secteur augmenteraient de moins d’1 % en volume, après + 11,5 % en 2021.
Matériels de transport
La normalisation des tensions d’approvisionnement en semi-conducteurs prend plus de temps que prévu, pénalisant à la fois l’activité et le marché automobile. Les immatriculations de voitures particulières se sont redressées en juin mais demeuraient en retrait de 63 000 par rapport à leur moyenne mensuelle de 2019. Le poids des véhicules électrique continue de progresser, atteignant 20 % des immatriculations totales au premier semestre 2022 selon le CCFA (y compris hybrides rechargeables) contre 11 % deux ans auparavant.
En dépit des incertitudes géopolitiques et du boom des prix énergétiques, le secteur aéronautique reprend des couleurs, comme en témoignent les commandes d’appareils en provenance de l’étranger (récemment, près de 300 réalisées par des compagnies chinoises auprès d’Airbus). Le trafic de passagers se rétablit dans le monde, comme en France où le trafic mesuré par la Direction générale de l’aviation civile en mai 2022 représentait 86 % de celui de mai 2019 (63 % en février).